C’est avec une très grande tristesse que nous avons appris le décès de Gérard Hamel ce samedi 2 janvier 2021, jour de son 75e anniversaire. Gérard était un ingénieur haute pression français hors-pair et son expertise était reconnue internationalement, notamment pour ses contributions majeures au développement de la presse « Paris-Édimbourg ».
Gérard a débuté sa carrière au début des années 1970 à la Sorbonne à Paris en tant que technicien formé en optique dans le laboratoire des Professeurs Mathieu et Pick. En 1982, l’université décida de créer un groupe de service pour la haute pression, le « Département des Hautes Pressions » (DHP), dirigé par Jean-Michel Besson, un département dont il devint l’ingénieur principal, au côté de Guillaume Weill et de Noël Dahan. Durant de nombreuses années, cette plateforme d’ingénierie permit le développement d’équipements hautes pressions originaux et apporta un savoir-faire exceptionnel non seulement à des dizaines de laboratoires français mais aussi à l’industrie. Les compétences de Gérard ont ainsi permis dans les années 1980 des expériences haute pression au-delà de 1.5 GPa en utilisant des cellules gros volumes équipées de fenêtres en saphir, une prouesse technologique dont seuls quelques laboratoires au monde étaient alors capables. Sa rencontre avec Jean-Michel Besson fut du reste décisive pour la suite de sa carrière. En effet, en 1988, Jean-Michel Besson et Richard Nelmes lancèrent un programme de collaboration pour la diffusion de neutrons à haute pression jusqu’à 10 GPa, un défi qui semblait à l’époque insurmontable. Pour cela, le développement d’une presse hydraulique compacte d’une capacité minimale de 100 tonnes était
nécessaire, et Gérard fut alors chargé pour une très large part de la conception de ce nouveau dispositif. Ses idées innovantes ont permis d’optimiser les performances de cette presse à l’aide de calculs par éléments finis, une méthode qui, à l’époque, n’était accessible qu’à quelques spécialistes. A la suite de ce travail remarquable, la diffusion de neutrons jusqu’à 20 GPa est rapidement devenue une technique courante et de nombreux autres laboratoires se sont alors intéressés à cette technologie haute pression pour leurs besoins spécifiques. Aujourd’hui, plus d’une centaine de ces presses « Paris-Edimbourg » fonctionnent sur 4 continents, conduisant chaque année à d’innombrables publications scientifiques.
Gérard était un véritable autodidacte, motivé par sa passion pour le génie mécanique, les dispositifs hautes pressions et la science multidisciplinaire que de tels dispositifs rendent possible. Dès qu’il avait une idée nouvelle en tête, il était impossible de l’arrêter, et il n’était pas rare de le voir à des heures très tardives au laboratoire dessinant à l’ordinateur de nouvelles conceptions pour des équipements haute pression. Il aimait aussi particulièrement participer à des expériences dans les très grands instruments, synchrotrons ou sources de neutrons, et les nuits de travail en sa compagnie dans ces
centres de recherches étaient très agréables tant sa culture, sa bonne humeur et sa curiosité étaient appréciées de tous.
Au fil des ans, Gérard gravit un à un les échelons de l’université et il atteignit le plus haut niveau d’ingénieur de recherche à la fin de sa carrière. En 2002, le CNRS lui décerna la plus haute distinction qu’un ingénieur puisse obtenir, le « Cristal du CNRS », une première pour un agent n’appartenant pas au CNRS mais à l’Université. Après sa retraite en 2008, il s’installa à Grenoble mais continua de concevoir des équipements haute pression originaux, en particulier des dispositifs permettant le prélèvement et l’étude sous pression d’organismes marins vivants, issus de grande profondeur (3000m). Il avait commencé à s’intéresser à ce sujet de recherche au milieu des années 2000, et son implication grandissante contribua fortement à la compréhension de la physiologie des animaux abyssaux. Ainsi, de 2006 à 2016, Gérard embarqua sur 5 missions océanographiques hauturières, qui le conduisirent dans les océans atlantique et pacifique, mais aussi en mer Méditerranée, totalisant alors plusieurs semaines de séjour en haute mer.
La politique a occupé une large place dans ses préoccupations. Fortement influencé par la révolte étudiante de mai 1968, Gérard s’est toujours résolument engagé dans la politique de l’université et il fut durant de longues années une figure éminente du syndicalisme universitaire. Ce grand intérêt pour le bien collectif et les affaires sociales furent certainement un héritage de son père, une figure marquante de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale. À de nombreuses reprises, Gérard fut appelé par le président de l’université pour être médiateur dans de nombreux conflits sociaux, une tâche qu’il accomplit toujours avec beaucoup d’habileté, d’humanité et de diplomatie.
Gérard était également un voyageur insatiable et il a visité de très nombreux pays, principalement avec son sac à dos et en s’autorisant le minimum de confort car seuls comptaient pour lui sa passion des beaux paysages et l’échange direct avec les habitants d’autres cultures. Son dernier long voyage fut sa traversée de la Russie en train avec le transsibérien, plus de 9000 kilomètres entre Moscou et Vladivostok et des dizaines de rencontres inoubliables.
Avec la disparition de Gérard, nous perdons une figure exceptionnelle de la communauté internationale de la haute pression, un collègue éminent et un ami irremplaçable
1er forum de technologie des hautes pressions (1996).