Autoclaves à chauffage interne

Ce document décrit les autoclaves à chauffage interne développés à l’Institut Néel et utilisés pour des études de spectroscopie in situ principalement sur des fluides à température et pression modérées (< 800°C, < 2000 bar), soit par spectrométrie Raman, soit par absorption de rayons X sur les lignes de lumière FAME et FAME-UHD à l’ESRF.

Contexte

L’objectif qui sous-tend le développement de ces autoclaves est principalement l’étude de fluides, en conditions élevées de température et de pression (hydrothermaux), par des techniques de spectroscopie in situ. L’application principale est l’étude de la spéciation de métaux dissous par spectroscopie d’absorption de rayons X. Les contraintes qui en découlent sont les suivantes :

fluides hydrothermaux : ces fluides peuvent être très réactifs chimiquement et imposent un choix spécifique du matériau du porte-échantillon ; ils couvrent une large gamme de densité (typiquement entre 0.1 et 1 g.cm-3) ; les concentrations des éléments dissous peuvent être très faibles (quelques dizaines de ppm).

spectroscopie : des fenêtres sont indispensables pour optimiser la collecte de photons, qui sont fortement absorbés aux faibles énergies de rayons X (5 keV par exemple).

in situ : les mesures in situ imposent d’assurer une stabilité excellente des paramètres de l’expérience.

Plusieurs types de dispositifs existent qui permettent ce type de mesures sur les fluides hydrothermaux. La figure 1 schématise les gammes de pression qui leur sont accessibles, en fonction du volume des échantillons que l’on peut étudier avec. Sans entrer dans les détails, nous pouvons lister :

– les cellules très hautes pressions à enclumes diamant (et plus occasionnellement les Paris-Edimbourg), dont les principales limitations sont le volume très petit, et le manque de précision sur le contrôle de la pression ;

– les inclusions fluides, qui consistent en de très petites quantités de fluides piégés dans une matrice minérale lors de sa cristallisation, de façon naturelle ou synthétique. Les limitations sont l’impossibilité de contrôle la pression (volume constant) et le très faible volume ;

– les cellules basées sur le principe des Fused Silica glass Capillary Capsules (FSCC) sont particulièrement appropriées pour les mesures optiques (dont le Raman), sont sans risques, mais sont scellées (pression autogène) et souffrent de la réactivité possible du quartz avec les échantillons ;

– les autoclaves qui sont le type de cellules les plus courantes pour les valeurs de pressions modérées, et permettent (entre autres) un chargement facile et un contrôle précis de la pression et la température. Dans les 30 dernières années de nombreuses géométries ont été imaginées et exécutées, adaptées aux différentes études envisagées (optique ou rayons X, basses ou hautes énergies de rayons X, etc.).

Dispositifs pour fluides hydrothermaux

Figure 1 : Gammes de pressions accessibles en fonction du volume des échantillons, pour les différents types de cellules expérimentales dédiées à l’étude des fluides hydrothermaux par spectroscopie in situ. Les gammes de température accessibles sont imposées par la technologie utilisée : <800°C à l’aide de platine chauffante pour les inclusions fluides et les capillaires ; <1200°C par chauffage résistif pour les autoclaves et cellules Paris-Edinburgh ; <3000°C par chauffage laser pour les cellules enclumes-diamant. La bande grise visible sur l’axe des abscisses correspond à la gamme de volumes accessibles par les faisceaux de rayons X synchrotron. Figure adaptée de [1].

Autoclaves Néel

Principe général

Un schéma de principe des différents éléments des autoclaves est visible en figure 2. Ces autoclaves sont à chauffage interne, c’est à dire que la pression et la température sont contrôlées (et régulées) indépendamment : la pression par mise sous pression d’hélium de l’autoclave, et la température par un système de chauffage résistif plongé dans l’enceinte. L’avantage est ainsi de pouvoir parcourir librement le diagramme de phase de l’échantillon, contrairement aux dispositifs où la pression est autogène.

L’autre caractéristique principale du design est le confinement de l’échantillon dans une cellule interne, ce qui permet d’éviter son contact avec les fenêtres haute-pression.

Enfin, selon la technique envisagée, deux configurations sont disponibles : la première dédiée aux rayons X combine des fenêtres en béryllium et une cellule interne en carbone vitreux ; la seconde dédiée aux techniques visibles (Raman, observation) intègre des fenêtres et une cellule interne en saphir monocristallin.

Figure autoclave

Figure 2 : Schéma 3D de principe de l’autoclave. L’autoclave est artificiellement séparé en deux parties pour montrer les éléments internes ; seules les fenêtres HP et la cellule interne ont été laissées pour simplifier le dessin (le chauffage résistif, les céramiques isolantes et toutes les autres parties sont absents). Les chemins de transmission (entrée et sortie) et transverse à 90◦ sont indiqués en rouge. À gauche : vue globale de l’autoclave, avec (1) l’écrou de fermeture de l’autoclave qui intègre l’entrée de l’hélium et les connexions de puissance et de thermocouples ; (2) le corps de l’autoclave ; et (3) une cellule interne qui contient l’échantillon et qui est plus mince à la hauteur du faisceau de rayons X (ou laser dans le cas du Raman). À droite : vue agrandie de la partie basse, où les fenêtres HP sont plus clairement visibles. Figure adaptée de [2].

Fenêtres HP

Les fenêtres HP ne sont pas en contact avec les échantillons fluides et sont ainsi protégées de toute dégradation chimique. Les fenêtres en saphir sont de simples cylindres de saphir monocristallin de 4mm d’épaisseur. Par contre les fenêtres en béryllium dédiées aux rayons X ont une forme en dôme optimisée pour permettre le meilleur compromis entre tenue mécanique et absorption des rayons X, et permettent des mesures jusqu’à des énergies basses (5 keV). Leur géométrie est visible sur la figure 3. Leur seul inconvénient est la présence de nombreuses impuretés, en grandes quantités pour certaines (par exemple jusqu’à 800 ppm de fer). Lorsque ces métaux sont étudiés dans l’échantillon, leur seuil de détection est ainsi dégradé. Dans ce contexte, des fenêtres ultra-pures en carbone vitreux ont été développées avec le soutien du réseau de technologie des hautes pressions (voir la référence [2]).

Fenêtre autoclave Béryllium

Figure 3 : Vue en coupe du montage d’une fenêtre de béryllium, avec (1) le contre-écrou de maintien de la fenêtre, (2) un anneau anti-extrusion en téflon, (3) un joint en Viton, (4) une pièce de centrage en laiton et (5) la fenêtre en béryllium. Figure adaptée de [3].

Cellule interne

Un autre élément clé de ce dispositif est la cellule interne. Sa géométrie est schématisée sur la figure 4. Le volume de l’échantillon évolue en fonction des conditions de température et de pression, suivant que les pistons se rapprochent ou s’éloignent. La pression est hydrostatique, les parois de la cellule ne subissent donc pas de différence de pression ; ce design permet d’affiner la cellule si besoin, typiquement pour limiter l’absorption des rayons X. Selon les conditions expérimentales, le volume de l’échantillon peut être ajusté dans la gamme [0.01-1ml]. Cette possibilité d’avoir des volumes importants est bénéfique pour plusieurs raisons : limitation des dégâts associés au faisceau (réactions redox, mortalité d’échantillons biologiques, apparition de bulles, etc.) ; possibilité de charger plusieurs éléments (typiquement un solide dans un fluide) ; possibilité de récupérer les échantillons en quantités suffisantes pour des analyses post mortem variées, voir même dans un projet de synthèse hydrothermale.

Pour les mesures de rayons X, nous utilisons principalement le carbone vitreux comme matériau des cellules internes, car il est très peu absorbant (faible densité autour de 1.5 g/cm³ et constitué de carbone uniquement Z=6), très peu réactif chimiquement, relativement peu cher, et facilement usinable.

Figure 4 : Schéma de la cellule interne, avec (1) le corps de la cellule (carbone vitreux, saphir, ou tout autre matériau adapté à l’expérience), (2) 2 pistons portant les joints en Viton qui assurent l’étanchéité, (3) le volume contenant l’échantillon liquide délimité par les deux pistons (les parois de la cellule sont affinées dans cette zone), et (4) un échantillon solide qui peut être plongé dans le liquide si nécessaire.

Contrôle de la température et de la pression

La stabilité de la température et de la pression est très importante. En effet, dans le cas de mesures d’absorption de rayons X, une variation de la densité de l’échantillon d’environ 0.001 g/cm³ est détectable : ainsi une variation de la densité liée à la régulation de T et P induit une variation du signal, et celle-ci peut négativement impacter la qualité et l’interprétation des données.

Dans notre dispositif, température et pression sont donc régulées à 0.1°C et 0.2 bar. La température est contrôlée par un chauffage résistif régulé classiquement avec un système combinant alimentation de puissance et module de contrôle Eurotherm™. Le contrôle de la pression d’hélium dans l’autoclave utilise un système original de régulation développé à l’Institut Néel (avec le soutien du réseau de technologie des hautes pressions) et basé sur des vannes 2 kbar contrôlées par 5 bars de pression hydraulique (référence [4] et figure 5).

Vanne 2 kbar

Figure 5 : photo d’une vanne 2 kbar développée à l’Institut Néel avec l’appui du réseau de technologie des hautes pressions.

Multi-techniques

Ce dispositif est principalement destiné à des mesures d’absorption de rayons X (sur les lignes FAME et FAME-UHD à l’ESRF), et Raman à l’Institut Néel. Mais il est (ou a été) utilisé pour des mesures de diffusion de rayons X aux petits angles, de diffusion inélastique de rayons X (Raman et Compton), pour des synthèses hydrothermales (sans mesure), pour des mesures de DLS (Dynamic Light Scattering) et de photoluminescence, et enfin pour des observations visuelles in situ. La géométrie simple, les dimensions centimétriques des fenêtres et de la cellule interne, et la possibilité d’adapter facilement les matériaux utilisés permettent d’envisager des adaptations à d’autres techniques si besoin.

Contacts
Références

[1] Testemale D. and Brugger J. (2020) 3.37 : Cells for spectroscopy of fluids at elevated pressure and temperature. Reaction Cells. In International Tables for Crystallography.

[2] Testemale D., Prat A., Lahera E. and Hazemann J.-L. (2016) Novel high-pressure windows made of glass-like carbon for x-ray analysis. Review of Scientific Instruments 87, 075115.

[3] Testemale D., Argoud R., Geaymond O. and Hazemann J.-L. (2005) High pressure/high temperature cell for x-ray absorption and scattering techniques. Review of Scientific Instruments 76, 043905.

[4] Bruyère R., Prat A., Goujon C. and Hazemann J.-L. (2008) A new pressure regulation device using high pressure isolation valves. J. Phys. : Conf. Ser. 121, 122003.